
Les assureurs, acteurs stratégiques du développement économique local et de la souveraineté européenne – Florence Lustman
Tribune de Florence Lustman, présidente de France Assureurs, publiée sur LinkedIn le 26 mars 2025.
Plus que jamais, les Français vivent dans une société du risque et sont en grande demande de protection, en particulier de la part des assureurs. D’ailleurs, 88% d’entre eux disent qu’« être assuré est utile ».
Les Français nous font confiance et attendent beaucoup de nous. Et nous, nous nous investissons tous les jours pour être à la hauteur de leurs attentes.
En effet, avec plus 300 000 personnes, l’assurance est présente sur l’ensemble du territoire : à chaque coin de rue, dans chaque bourg de France, il y a un assureur. Et au moment où des inquiétudes renaissent sur l’emploi, les entreprises d’assurance recrutent. Leurs effectifs ont augmenté de plus de 9 % sur 5 ans, soit deux fois plus que l’ensemble du secteur privé.
Chaque jour, les assureurs gèrent plus de 36 000 nouveaux sinistres IARD. La réparation d’un sinistre mobilise des ressources locales, des artisans, des entreprises, ce qui est une autre façon de protéger l’emploi local. Par sa présence, l’assurance est donc un acteur stratégique de la vie économique des territoires.
Que retenir de l’année en assurance IARD ?
Commençons par les sinistres climatiques. Pour l’année 2024, le coût des évènements naturels en France atteint 5 milliards d’euros. Plusieurs évènements ont marqué notre territoire et en particulier les Outre-mer : en un peu plus d’un an, 3 cyclones ont balayé les iles françaises de l’océan indien, avec à chaque fois, des conséquences dramatiques. Avant tout, ces évènements naturels, ce sont des drames humains avec des vies brisées et tout à rebâtir pour les citoyens, les entreprises, et les collectivités territoriales.
En pratique, les évènements naturels en 2024 c’est 3695 communes concernées par un arrêté Cat Nat, et 374 communes touchées plusieurs fois cette année. Ce qui illustre, s’il en était besoin, l’importance du régime des catastrophes naturelles, véritable trésor national pour les Français. Mais pour pérenniser ce régime, et plus généralement face à l’inflation des évènements naturels, il faut également un effort massif en matière de prévention.
Je me réjouis que la France se soit dotée d’un PNACC ambitieux pour nous adapter au changement climatique. A cette occasion, nous avons échangé avec la ministre de la transition écologique, Agnès Pannier-Runacher, et nous avons proposé notamment de nous engager à ses côtés pour le déploiement d’actions de prévention dans les écoles, pour la mise en place d’un guide de souscription de l’assurance pour les collectivités territoriales. Nous avons également exprimé le souhait de voir se développer l’économie circulaire et les filières de réemploi.
L’année 2024 a été la plus pluvieuse depuis 20 ans. Et cela a eu deux conséquences très concrètes. Première conséquence, les cultures ont connu une sinistralité record avec près de 800 millions d’euros de prestations versées en assurance agricole. Et deuxième conséquence, en habitation, les dégâts des eaux sont le premier poste de sinistres pour les assureurs. Cette sur-sinistralité en dégâts des eaux a néanmoins été compensée par les autres sinistres climatiques, les incendies et les vols, la fréquence de ces deux derniers risques diminuant respectivement de 11 % et de 3 %.
Si la sinistralité globale baisse en habitation, elle augmente considérablement en assurance des professionnels et des entreprises avec une hausse de 9% en 2024. Cette augmentation de la sinistralité est notamment liée aux sinistres graves, c’est-à-dire les sinistres supérieurs à 2 millions d’euros, qui, pour la deuxième année consécutive, dépassent 1,2 milliards d’euros d’indemnisation.
Après l’habitation, les entreprises et les collectivités, j’en viens maintenant à la mobilité et son marché cœur, l’assurance automobile.
Je veux insister cette année sur les sinistres corporels qui représentent 2% des sinistres mais 35% des indemnisations. Leur coût a triplé sur les 20 dernières années. Nous fêtons les 40 ans de la Loi Badinter qui a représenté une avancée considérable pour les victimes d’accidents de la route. Mais, en 40 ans, le barème en vigueur à l’époque n’a jamais été revu, et il n’est donc plus appliqué. En conséquence, les niveaux d’indemnisation varient significativement d’une juridiction à une autre, avec une tendance inflationniste très marquée qui a des conséquences directes sur l’assurabilité. Nous proposons ainsi de travailler sur un barème de capitalisation réglementé qui permettrait, à la fois, d’harmoniser les niveaux d’indemnisation des victimes, et de désengorger les tribunaux.
Sur les sinistres matériels, le coût moyen a augmenté de 31% sur 5 ans. En particulier le coût des optiques de phare qui a augmenté de 70% en 4 ans et peut représenter, sur un modèle de base, jusqu’à 20% du coût total de la voiture. Sur le coût de la réparation, les solutions sont pourtant bien connues : la limitation des cadeaux d’un montant disproportionné lors de la réparation des pare-brises et un plus grand recours aux pièces recyclées qui aujourd’hui ne représentent qu’un peu plus de 5% des pièces remplacées dans les sinistres auto.
Voilà pour les faits marquants de l’assurance dommages en 2024. Au total, les cotisations s’élèvent à 75 milliards d’euros, les prestations à 53 milliards d’euros. Le ratio combiné, quant à lui, s’établit à 99,1%, en hausse de 0,3 point.
J’en viens maintenant à la santé. Grâce à la complémentarité entre la Sécurité sociale et les assureurs, nos concitoyens bénéficient d’un reste à charge parmi les plus faibles des pays de l’OCDE. En effet, les assureurs prennent en charge 31 milliards d’euros de dépenses de santé, 44% des soins dentaires, 48% en audiologie et 66% en optique.
Le fait marquant pour notre système de santé, c’est malheureusement, à nouveau, la dérive continue et non maitrisée des dépenses de santé. Depuis 5 ans, l’Ondam réalisé dérape systématiquement par rapport à l’Ondam voté. Cette dérive impacte évidemment les complémentaires santé, qui ont vu leurs prestations croître en moyenne de 6% par an depuis 5 ans, alors même que leur résultat technique, qui avait été quasi nul en 2021 et 2022, est devenu déficitaire de 200 millions d’euros en 2023.
Dérive continue des dépenses de santé. Et dérive alarmante de l’absentéisme et donc des arrêts maladies : en 5 ans, le nombre de jours d’arrêts de travail a augmenté de 29%. Cette hausse, ce n’est plus un effet Covid, mais une nouvelle donne : le nombre d’arrêts de travail reste à son niveau de 2020 et la tendance ne semble pas s’inverser. Ainsi, sur 5 ans, ce sont près de 300 millions de jours d’arrêts de travail de plus par rapport au niveau tendanciel passé. Et pour cette année, en assurance prévoyance, il en est résulté une augmentation de 24% des prestations.
Sans politique volontariste, cette dérive ne va pas s’arrêter ne serait-ce que par parce que la population française vieillit. Le véritable enjeu, c’est donc la maitrise des dépenses de santé. C’est l’enjeu de la Sécurité sociale, c’est l’enjeu des complémentaires santé. C’est l’enjeu des Français.
Soucieux de préserver notre système de protection sociale, nous proposons plusieurs solutions efficaces. Je vous en cite deux :
- Lutter efficacement contre les fraudes sociales, en santé et en prévoyance. En 2024, l’Agence de lutte contre la fraude en assurance a détecté 180 millions d’euros de fraude en santé et en prévoyance. Nous sommes très loin du montant total de la fraude qui pourrait atteindre 2,7 milliards d’euros en santé et en prévoyance. Lutter contre la fraude, voilà une bonne façon de réduire les déficits. Et pour cela, nous avons absolument besoin d’un meilleur partage des données avec la Sécurité sociale et nous ne comprenons pas les blocages actuels. Nous appelons également à stopper sans délai les fraudes en étant autorisés à suspendre le tiers payant en cas de suspicion de fraude d’un professionnel de santé.
- Nous préconisons de réformer le contrat responsable. Nous plaidons pour redonner du sens au contrat responsable en revoyant le socle de garanties imposées pour accorder, à chacun, plus de liberté dans le choix des garanties sans être pénalisé fiscalement. Il faut également introduire des mécanismes qui permettent d’agir sur les comportements en incitant à plus de prévention et à une meilleure pertinence des parcours et des soins. Bref, un vrai contrat responsable et responsabilisant, adapté à chacun selon ses besoins.
Si l’on regarde maintenant les résultats, les prestations en santé/prévoyance ont très fortement augmenté en 2024, de 16%, tandis que les cotisations augmentaient, quant à elles, de 9%.
Le défi du financement de la protection sociale, c’est aussi celui des retraites. C’est un sujet de société et donc un sujet pour nous, assureurs. Et, avec 7 millions d’assurés, 10 milliards d’euros de collecte nette en 2024, le PER connait un succès qui ne se dément pas. Et surtout, il est intéressant de noter que, parmi les nouveaux adhérents d’un PER individuel, 30% ont moins de 40 ans. Cela souligne, à mon sens, le rôle que peut jouer ce produit dans le développement de la retraite supplémentaire en France. Si les pouvoirs publics et les partenaires sociaux souhaitent développer la capitalisation, nous avons le produit qui a déjà conquis la confiance des Français, c’est le Plan d’épargne Retraite.
Je veux maintenant évoquer plus largement l’assurance vie, qui a confirmé en 2024 toute son attractivité. Avec des cotisations en hausse de 14% et une collecte nette de près de 30 milliards d’euros, l’assurance vie se situe en première position des flux de placements des Français en 2024. En stock, elle représente la moitié des principaux placements financiers des ménages et compte 19 millions de détenteurs pour 56 millions de contrats. Si l’on regarde maintenant les rendements, avec 3%, l’assurance vie a le meilleur taux en 2024. Et sur 13 années, ce qui correspond à la durée moyenne d’un contrat, l’assurance vie a également le meilleur rendement.
Et la bonne dynamique se poursuit en 2025 avec un encours qui a dépassé pour la première fois les 2000 milliards d’euros fin janvier. Et ça, c’est une très bonne nouvelle pour l’économie française et l’économie européenne.
En effet, les assureurs européens sont parmi les principaux investisseurs dans l’économie. Avec près de 8000 milliards d’euros investis, ils sont un atout puissant pour le développement économique de l’Europe. Et d’ailleurs, la France est le premier pays destinataire de leurs investissements, avec 26%. Symétriquement, avec plus de 2600 milliards d’euros investis à 80 % dans la zone euro et 51% en France, nous, assureurs français, jouons la carte de la souveraineté européenne.
Les assureurs français jouent également la carte des entreprises qui représentent aujourd’hui près des 2/3 de nos investissements. Sur 20 ans, la part des investissements dans les entreprises est passée de 51 à 63% avec, sur 5 ans, une nette accélération pour les actions, qui sont passées de 19% à 24% aujourd’hui.
Pour conclure, les assureurs terminent l’année avec un ratio de solvabilité plus de deux fois supérieur aux exigences réglementaires. La robustesse, je le rappelle, c’est la première qualité que l’on doit attendre de son assureur pour qu’il soit toujours là quand vous aurez besoin de lui.
L’assurance française est le premier marché de l’Union européenne. Que ce soit via notre mission de protection ou d’investissement, nous sommes des acteurs stratégiques pour l’Europe, sa compétitivité, sa sécurité, sa souveraineté.
L’assurance est une force protectrice et stabilisatrice de l’économie. Sans assurance, il n’y a pas de développement économique et donc, pas de souveraineté européenne.