Commerçants : l’assurance des pertes d’exploitation et de la valeur vénale du fonds de commerce
Tout sinistre peut gravement perturber une activité professionnelle, compromettre sa trésorerie, voire menacer son existence.
Adaptée aux besoins spécifiques des commerçants, l’assurance des pertes d’exploitation et de la valeur vénale du fonds de commerce a pour objectif de pallier les difficultés financières engendrées par le sinistre. Le plus souvent incluse dans un contrat d’assurance multirisques, la garantie des pertes d’exploitation fait parfois l’objet d’un contrat d’assurance séparé.
L’assurance des pertes d’exploitation du commerçant
Après un sinistre grave, un incendie par exemple, les durées de reconstruction, de réinstallation et de reprise d’une activité moyenne s’étendent de plusieurs mois à un ou deux ans. Il s’ensuit, pendant la période d’activité réduite ou nulle, une baisse, voire une disparition du chiffre d’affaires. Il devient alors impossible pour le chef d’entreprise de payer les charges qui continuent de courir.
L’assurance des pertes d’exploitation permet de replacer le commerçant, par le versement d’une indemnité, dans la situation économique et financière qui aurait été la sienne si le sinistre n’avait pas eu lieu.
L’indemnité est versée sous forme d’acomptes au fur et à mesure des besoins de l’entreprise pour faire face à ses obligations. A l’issue de la période d’indemnisation, la société d’assurances règle le solde dû.
Les événements couverts
Il est notamment possible de s’assurer pour les interruptions d’activité dues à des dommages matériels directs consécutifs aux événements suivants :
- incendies, foudre, explosions ;
- accidents aux appareils électriques ;
- dégâts des eaux ;
- bris de machines ;
- tempêtes, grêle et poids de la neige sur les toitures (seule la garantie tempête est obligatoire) ;
- catastrophes naturelles (garantie obligatoirement délivrée lors de la souscription du contrat d’assurance) ;
- chocs de véhicules terrestres à moteur ;
- émeutes et mouvements populaires, vandalisme ;
- attentats, actes de terrorisme (garanties obligatoirement accordées lors de la souscription).
L’assurance pertes d’exploitation
L’assurance de base couvre pendant une période déterminée :
- la perte consécutive à l’impossibilité ou à la difficulté de compenser ses charges fixes et de générer du résultat du fait de la baisse du chiffre d’affaires causée par l’interruption ou la réduction de l’activité, appelée perte de marge brute ;
- le remboursement des frais supplémentaires d’exploitation engagés à la suite d’un sinistre en accord avec l’assureur pour en limiter les conséquences (location de matériel ou de locaux, installations provisoires, frais de publicité pour retrouver la clientèle…).
D’autres frais et pertes (frais supplémentaires additionnels, pénalités de retard, honoraires d’expert) peuvent faire l’objet d’une assurance complémentaire.
La détermination de la marge brute à assurer est effectuée à partir du compte de résultat.
Elle correspond à la différence entre les produits d’exploitation et les charges variables d’exploitation (A – B).
En général :
- Produits d’exploitation liés à l’activité (A), comptes n° :
70 | Chiffres d’affaires (ventes de produits) |
71 | Production stockée (en plus ou en moins) |
72 | Production immobilisée |
- Charges variables d’exploitation (B), comptes n° :
601 | Achats de matières premières |
6021 | Achats de matières consommables |
6026 | Achats d’emballages |
607 | Achats de marchandises |
6241-42 | Frais de transport sur achats et ventes |
6031-32-37 | Variations des stocks (en plus ou en moins) |
- Le taux de marge brute correspond au rapport :
marge brute ÷ chiffre d’affaires
En cas de sinistre, l’assureur règle une indemnité calculée en fonction de la baisse du chiffre d’affaires, à laquelle on applique le taux de marge brute. S’y ajoute le montant des frais supplémentaires d’exploitation engagés par l’assuré.
Un contrat d’assurance simplifié pour les commerçants, artisans et prestataires de services
Les commerçants, artisans et prestataires de services peuvent également souscrire un contrat d’assurance spécialement conçu pour eux. La marge brute n’est pas calculée pour établir le contrat.
Au chiffre d’affaires annuel déclaré par l’assuré, l’assureur applique un taux de marge brute forfaitaire propre à la profession considérée. Par exemple, le taux de marge brute d’une boulangerie avec ou sans pâtisserie peut être de 60 %, celui d’un hôtel avec restaurant de 75 %.
Ce contrat d’assurance simplifié ne convient peut-être pas si l’entreprise est éloignée du schéma classique représentatif de la profession concernée.
La période d’indemnisation et l’assurance des pertes d’exploitation
Il appartient à l’entreprise de fixer la période maximale de garantie au moment de la souscription du contrat. Il est important de retenir la période qui permettra à l’entreprise de redémarrer mais également de retrouver son plein équilibre financier et commercial tel qu’il aurait été en l’absence du sinistre. Il est recommandé de demander une durée de garantie de douze à dix-huit mois minimum.
En effet, la reconstruction et le remplacement du matériel sont souvent longs. Il est important de retenir la période qui permettra au commerce de redémarrer mais également de retrouver son plein équilibre financier et commercial tel qu’il aurait été en l’absence du sinistre, après avoir à la fois reconstitué ses moyens de production et reconquis sa clientèle.
Retour d’expérience : les pertes d’exploitation d’un commerce de vêtements
Le 15 février, un incendie important se déclare dans un commerce de vêtements et paralyse totalement son activité jusqu’au 15 mai. Celle-ci reprend progressivement et, en fin d’année, le chiffre d’affaires annuel réalisé s’élève à 770 000 euros au lieu de 1 300 000 euros. Son dernier compte de résultat clos affichait (tendance estimée à 0) :
Chiffre d’affaires | 1 300 000 euros |
Charges variables d’exploitation | 660 000 euros |
Charges fixes d’exploitation | 560 000 euros |
Résultat d’exploitation | 80 000 euros |
L’activité a été interrompue, mais l’entreprise supporte toujours les frais fixes (560 000 euros) et le résultat d’exploitation n’existe plus (80 000 euros).
- La baisse du chiffre d’affaires s’élève à 530 000 euros (1 300 000 – 770 000).
- La marge brute assurée est de 640 000 euros (1 300 000 – 660 000).
- Le taux de marge brute est de 49,2% (640 000 / 1 300 000).
L’assureur de pertes d’exploitation règle une indemnité de 260 760 euros calculée en fonction de la baisse du chiffre d’affaires, soit 530 000 euros, à laquelle a été appliqué le taux de marge brute de 49,2 %.
S’y ajoute le montant des frais supplémentaires d’exploitation engagés par l’assuré en accord avec son propre assureur.
L’indemnisation et l’assurance de la valeur vénale du fonds
La valeur vénale du fonds est la valeur marchande de ses éléments incorporels : droit au bail, pas-de-porte, clientèle, achalandage, enseigne, marque de fabrique… L’assurance de la valeur vénale peut couvrir les conséquences financières des mêmes événements que l’assurance des pertes d’exploitation. Elle intervient différemment selon qu’il y a perte totale ou partielle du fonds.
La perte totale du fonds
Elle se définit par l’impossibilité absolue et définitive de poursuivre l’exploitation de l’établissement ou de le transférer ailleurs sans perdre la totalité de la clientèle.
Statut de l’exploitant | Evénements générateurs d’une perte totale |
Locataire | Résiliation du bail par le propriétaire.Refus du propriétaire de reconstruire le bâtiment qui abritait l’établissement.Refus du propriétaire de remettre en état les locaux loués. |
Propriétaire | Impossibilité absolue de reconstruire le bâtiment sur les mêmes lieux : immeuble frappé d’alignement, reconstruction interdite par des règlements administratifs… |
Copropriétaire | Refus des autres copropriétaires de reconstruire les bâtiments. |
La perte partielle du fonds
La perte partielle correspond à la dépréciation définitive de la valeur du fonds.
Elle résulte de l’un des faits suivants :
- diminution de la surface exploitable des locaux ;
- diminution définitive et permanente de la clientèle ;
- obligation de réinstaller le fonds dans un autre lieu ;
- augmentation définitive des charges consécutive au sinistre ;
- fermeture prolongée de l’établissement due aux travaux de remise en état des locaux.
Montant de la garantie, montant de l’indemnité
Le montant de la garantie, en cas de perte totale de la valeur vénale, représente la valeur réelle du fonds au jour du sinistre, déterminée par les experts. L’indemnité ne peut jamais dépasser le montant prévu par le contrat d’assurance. Ce montant forfaitaire est défini par exemple en fonction des biens déclarés (marchandises, matériels, mobiliers…). L’indemnité pour perte partielle est égale à la différence entre la valeur vénale au jour du sinistre et la valeur vénale après le sinistre, fixée par les experts.
Réinstallation à proximité
En général, si, après avoir reçu une indemnité pour la perte totale de son fonds, l’assuré exploite un établissement proche de son ancien local (par exemple dans un rayon de 500 mètres ou 1 kilomètre, selon les contrats d’assurance), et ce dans un délai de deux ans à compter du jour du sinistre, il devra rembourser à sa société d’assurances une partie de l’indemnisation versée.